LES TEMOIGNAGES
« Quand j’ai commencé à me demander quel être je voulais devenir, c’est là que j’ai pensé à la manière dont je me nourrissais »
Cédric ANCION et Frédéric MORAND
Porteurs du projet
Vert d’Iris
Vert d’Iris est une formidable coopérative qui cultive fruits et légumes bios dans ses deux potagers bruxellois. La culture est basée sur la permaculture et l’économie circulaire. Frédéric Morand et Cédric Ancion nous exposent dans cette interview la philosophie qui les a mené à s’engager dans le développement de la coopérative.
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Avec leur projet Vert d’Iris, Cédric et Frédéric répondent à l’objectif de développement durable n°15
Dans quel état d’esprit étiez-vous en tant qu’étudiant concernant la société ? Concernant votre avenir ?
Frédéric Morand : Lorsque j’étais jeune, j’étais révolté. Révolté par ce que je voyais autour de moi, les injustices, le rapport inconscient à la nature. J’étais donc dans une vision antisystème, mais je me suis rendu compte avec le temps que la seule manière de changer le système, c’était de l’intérieur.
Cédric Ancion : Quand j’étais jeune, j’ai décidé de prendre un peu de retrait en consacrant une année à découvrir le Monde. En prenant mes distances, en quittant mon travail, j’ai pu prendre certaines distances avec ma vie, ce qui m’a permis d’entamer une vraie recherche d’authenticité. Et donc, il y a eu la question principale qui a tourné autour de cette quête : Qui suis-je vraiment ? Qu’est-ce qui me constitue en tant qu’individu ? Quand on pense à la raison pour laquelle on a étudié, est-ce que ça vient vraiment de nous ? Ou bien c’est notre entourage qui nous a dit que c’était une bonne chose d’étudier le commerce ? Quand on se pose ce genre de questions, on commence à avoir une certaine authenticité dans notre vie. En prenant cette distance, en faisant cette année de voyage, j’ai vécu des expériences de méditation, de silence, de solitude, de confrontation à la nature, qui m’ont permis de creuser dans ces questions-là. Quand j’ai commencé à me demander quel être je voulais devenir, c’est là que j’ai pensé à la manière dont je me nourrissais.
C’est au moment où cette réflexion m’envahissait que j’ai rencontré Frédéric, sur le festival Bruxelles Champêtre. Nous avons échangé et j’ai compris qu’il souhaitait renforcer sa base administrative, j’ai donc rejoins Vert d’Iris.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans le sociétal ?
Frédéric Morand : J’ai d’abord commencé par la création d’EcoInnovation, sur le modèle anglo-saxon des charities. J’ai toujours eu un penchant vers la participation, la communication, la transversalité et la transdisciplinarité, notamment pendant mes études à l’INRA dans le département « Système agraire », ou il y avait des courants de pensée assez développés dans ces domaines-là. Cette approche systémique, nous l’avons intégré dans Vers d’Iris : on ne va pas se spécialiser sur un métier, on va toucher un peu à tout, et trouver une synergie entre tous les secteurs.
Quels ont été vos premiers pas en tant qu’entrepreneur ? Vos principales difficultés et échecs ?
Cédric Ancion : Mes premiers pas dans ce projet, c’était d’apprendre tout ce qui était en lien avec la production alimentaire. C’était un vrai challenge de comprendre le processus et l’organisation du potager : l’aspect agriculture, l’aspect des récoltes, la préparation des commandes, les livraisons, la comptabilité, la facturation… La principale étape à passer, c’était de comprendre que c’était un vrai business, et que même s’il y avait ce caractère résolument humain et durable, cela restait une organisation qui a besoin d’être efficace pour être rentable. Il fallait dépasser cet idéalisme pour rejoindre ce réalisme, et jouer entre les deux, en sachant qu’il faut faire des concessions d’une certaine manière pour obtenir le résultat voulu. J’ai dû dépasser ma vision assez idéologique pour comprendre l’importance de la comptabilité, de l’optimisation financière. D’essayer de maximiser sans être capitaliste.
C’est le plus difficile à transmettre aux personnes dans l’organisation, faire comprendre qu’il y a de vrais enjeux, de vraies conséquences, que c’est important d’être responsable de l’impact que l’on a, et que chaque chose a un coût, que ce soit énergétique ou financier.
Dans quelle mesure voyez-vous votre projet entreprenariat comme une réponse aux défis sociétaux qui se posent aujourd’hui ?
L’ADN de Vert d’Iris est une vision de l’éco-innovation qui a un sens et une direction. Ce n’est pas de l’innovation, pour de l’innovation.
Notre action est locale, mais nous sommes une coopérative internationale, « Act localy, Think globaly » : on crée des emplois ici, à Bruxelles, mais on favorise l’échange d’expérience avec l’étranger en développant des réseaux d’échange de travailleurs.
Sur quel plan situez-vous votre contribution à la construction à un avenir meilleur ?
Frédéric Morand : C’est assez concret, puisqu’on nourrit et on fournit des dizaines de clients et utilisateurs de produits bios à Bruxelles en circuit court. Donc on répond à un besoin qui n’est pas satisfait, c’est-à-dire l’approvisionnement en produits locaux responsables écologiquement mais aussi socialement vu qu’on a des conditions de travail qui sont responsables, on ne fait pas de dumping social comme dans d’autres pays d’Europe (ex : produits bios d’Espagne). Notre responsabilité écologique va bien au-delà du bio : il existe du bio aujourd’hui qui n’est pas très responsable sur le plan écologique, vu que ce n’est que de la monoculture, pas beaucoup de biodiversité c’est beaucoup d’énergie dépensée, beaucoup de transports… Nous on fait le contraire : on est local ; on fait très attention au recyclage de toutes les matières, que ce soit le compost, le carbone ou l’énergie ; on développe la biodiversité ; on fait de la permaculture, qui développe un cercle vertueux.
Notre finalité, également sociale, est de créer des emplois responsables localement, mais aussi l’investissement sur l’aspect éducation, puisqu’un on a des centaines de visiteurs qui viennent participer à des portes ouvertes, des ateliers, et on forme une cinquantaine d’apprentis par an.
Nous devenons une référence pour des visiteurs qui viennent du monde entier. On essaie de démontrer que l’on peut faire des choses en agriculture intensive écologique : on a des rendements exemplaires pour la troisième année consécutive dans le milieu de la micro-agriculture écologique
Quel conseil souhaitez-vous laisser à la nouvelle génération des aspirants entrepreneurs ?
Frédéric Morand : Il faut croire en sa vision mais garder les pieds sur Terre. Il faut confronter sa vision à la réalité. Je le vois chez beaucoup d’apprentis qui viennent chez nous, qui ont une vision de rejet de la société assez extrême, mais déconnectée de la réalité. Je ne pense pas que l’on puisse se passer de la société, du marché, ou de l’économie. Même si on prend une perspective d’effondrement de la société, il ne faut pas tout lâcher, il ne faut pas désespérer, mais se préparer à la reconstruction. Après l’effondrement, il y aura la repousse, et on entendra le bruit des arbres qui poussent.
Cédric Ancion : Je partirais du principe que tout est possible. Même si entend que les choses fonctionnent de telle manière et pas d’une autre, tout est toujours possible avec de la persévérance, de la créativité, mais surtout de l’authenticité. C’est l’approche qui est importante, mais surtout de croire que tout est toujours possible. Il faut néanmoins toujours garder en tête le respect de l’harmonie humaine.
Quel conseil souhaitez-vous adresser à la nouvelle génération des aspirants entrepreneurs ?
Si vous avez une idée, foncez ! Tout est possible, il y a plein de soutiens pour vous. Le monde de demain vous appartient, donc à vous de le façonner. Le risque en vaut la peine !
*This publication has been produced with the assistance of the European Union. The contents of this publication are the sole responsibility of POSECO and can in no way be taken to reflect the views of the European Union or of ALDA.